A l’occasion du vote du projet de loi de finances 2024, la Fédération interpelle les députés sur  les crédits essentiels consacrés à l’hébergement, au logement et à l’accompagnement des personnes sans domicile.

Monsieur/ Madame le/la député.e,

Vous aurez prochainement à voter le projet de loi de finances (PLF) 2024. Face à la situation exceptionnelle de crise que traverse notre pays, se traduisant par le développement et l’aggravation sans précédent du sans abrisme, nous sollicitons votre attention pour que les crédits essentiels consacrés à l’hébergement, au logement et à l’accompagnement des personnes sans domicile (BOP 177, FNAP) soient à la hauteur des enjeux conjoncturels et structurels. Le droit au logement et à l’hébergement sont des droits fondamentaux, pour la défense desquels la France s’est engagée, via la ratification de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Charte des Droits Fondamentaux…et droits nationaux dont l’Etat est garant en vertu du Code de l’Action Sociale et des Familles.

Notre Fédération représente plus de 250 équipes de maraudes et Samu sociaux à travers tout le territoire. Elles travaillent à la lutte contre les exclusions et contre le sans-abrisme, en faveur de l’accès au logement, et plus généralement, pour l’accès aux droits des personnes à la rue. Aujourd’hui, nous nous tournons vers vous car nous avons plus que jamais besoin de votre aide.

Sur le territoire national, 300 000 personnes sont actuellement privées de domicile et 4 millions sont mal logées, d’après la Fondation Abbé Pierre (FAP). Ces chiffres ont doublé en 10 ans. En dépit de la loi, ce sont donc des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dont les droits les plus fondamentaux sont bafoués, les condamnant à la survie au quotidien. Nos équipes sont chaque jour témoins d’états de détresse et de désespoir extrêmes, matérialisation d’un contrat social entamé, étiolé.

L’augmentation du sans abrisme est la conséquence logique et structurelle de choix politiques dans différents champs de l’action publique (réduction des marges financières dans le secteur du logement social entrainant une baisse de la production, fermeture de lits dans les hôpitaux psychiatriques, conditions d’accueil dissuasives réservées aux personnes exilées en attente d’un titre de séjour…). Aujourd’hui, cette augmentation est telle qu’il est demandé, par les services déconcentrés de l’Etat, de procéder à des tris à la vulnérabilité pour valider l’accès à l’hébergement d’urgence. A titre d’exemple, à Paris, seules les familles avec des enfants de moins de 3 mois ont la possibilité d’être mises à l’abri actuellement.

Sur l’ensemble du territoire national, des digues cèdent, dans ce qui est politiquement accepté, dans les pratiques sociales, nous rapprochant dangereusement du point de non-retour.

Les maraudes et les Samu sociaux ne peuvent pas renoncer. Nous ne pouvons croire à l’inaction. En effet, les solutions sont à portée de choix politique.

Notre secteur exigerait un doublement des moyens du BOP 177, de manière à faire face à la demande. Nous demandons, a minima, 30% de moyens supplémentaires, pour parer à l’urgence. Nous n’avons pas d’autre choix, face à cette crise, que de créer des places d’hébergement supplémentaires et, (dans une moindre mesure, en palliatif), de renforcer les équipes de veille sociale (maraudes et accueils de jour).

Afin que ces moyens supplémentaires demeurent conjoncturels, ils doivent se doubler de mesures structurelles. En ce sens, il importe en premier lieu de mobiliser les outils dont dispose l’Etat pour lutter contre la financiarisation du logement (Airbnb et résidences secondaires, alimentant la diminution de disponibilité de logements à usage d’habitation permanente). La production de logements sociaux doit être soutenue par une augmentation des aides à la pierre ainsi qu’un pilotage étatique fort, permettant de lever les freins territoriaux.

La question des régularisations doit être posée sereinement et travaillée, en responsabilité, dans sa dimension technique (diminution des temps d’accès aux guichets préfecture pour l’examen des situations individuelles, synchronisation de l’accès aux droits à l’échelle d’un ménage, par le biais d’un guichet du type « Ukraine ») mais aussi politique. Régulariser des ménages disposant d’un emploi, inscrits dans un quartier, dans une école… validerait une insertion de fait et permettrait de libérer des places d’hébergement. Enfin, il est essentiel de soutenir l’ensemble des mesures prévenant les ruptures de parcours (sortie de l’aide sociale à l’enfance, de détention, de l’hôpital…).

Les choix d’aujourd’hui engagent les années à venir.

Vous avez la possibilité d’agir, via votre vote et vos questions au cours du débat sur le PLF 2024. Avec les personnes que nous rencontrons chaque jour dans la rue, nous comptons sur vous pour imposer la fin du sans abrisme, non pas comme slogan, mais comme objectif dans l’agenda politique. Nous restons disponibles pour échanger sur ces questions.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma haute considération.

Maud Bigot

Présidente